L'envers du décor !

Waitaha River

Mercredi 17 février 2016


1h00 du matin, nuit blanche  !  Des trombes d'eau s'abattent sur la tente. Les raffales de vent font courber les arceaux de la tente. Il fait chaud. On est tous réveillé, tellement le vacarme à l'intérieur de la tente est insoutenable. Le bruit de la pluie et du vent est tel qu'on n'entend plus le grondement des rouleaux de la mer à deux pas de notre bivouac. On se regroupe autour d'une tasse de tisane en attendant une accalmie... qui ne viendra pas.

Quelques heures auparavant, Paul, le local du coin, pêcheur de la Waitaha River, nous annonce, devant un soleil se posant sur la ligne d'horizon de Tasman, l'arrivée d'un énorme système dépressionnaire. Il n'est pas en mesure de nous renseigner sur l'horaire approximative du début des précipitations. Ça devait être la nuit précédente, ce sera peut-être ce soir, peut-être demain midi. Peu importe, il est déjà bien trop tard pour quitter les lieux et se réfugier dans du dur. On passera la nuit sur la plage à l'embouchure de la Waitaha River et la mer Tasman. On avisera demain pour rejoindre les lodges de Pukekura, à 10 km d'ici.

Paul est un kiwi amoureux des lieux. Né du côté de Christchurch il a fait le choix de venir s'isoler su cette côte pour sa beauté pure et son climat capricieux et humide. Ici, les précipitations annuelles sont supérieures à celles d'Amazonie. La sécheresse telle qu'on l'a vécue ces 15 derniers jours est une anomalie climatique. Cela explique selon lui nos et ses pêches infructueuses. En principe, la pêche est ici facile et abondante. Ici, selon Paul, la nature offre à l'homme tout ce dont il a besoin pour vivre  :  eau, poisson, gibier, culture. Ceux qui vivent ici ont choisi ce mode de vie, simple, proche de la nature, loin de toute tentation matérialiste du monde moderne. Ici c'est une petite communauté d'Hommes. Tous se connaissent, tous se rendent service et Paul nous explique que cette communauté nous rendra service en cas de besoin.

La tempête sévira jusqu'au lendemain à la mi-journée. Vent fort, pluie continue nous obligent à rester cloitrer dans notre tente. Ce huis clos est compliqué à gérer, surtout avec des enfants bouillonnants  !  On enchaîne parties de tarot, tours de magie, parties de solitaires et lecture de l'histoire Angel, l'indien blanc  : -)

Vers 14H, une accalmie plus longue que les précédentes, nous invite à décamper pour rejoindre le hameau de Pukekura. La montée des eaux de la Waitaha river nous donne du fil à retordre  !  Pas moyen de contourner le passage à gué à hauteur de genoux. On quitte nos baskets, déposons nos sacoches et faisons passer nos vélos un par un. Avant de passer le dernier vélo, l'ermite de la côte ouest, venu nous accompagner, me glisse à l'oreil :  "Avec l'expérience, la Côte Ouest t'apprend à ne pas te déplacer pendant la tempête et attendre le retour d'un temps plus stable". 

L'ermit est un allemand installé sur la côte ouest depuis plus de 20 ans. Il vit dans son camion rempli de bric et de broc. Selon Paul, il connaît mieux que quiconque tous les coins et recoins de cette côte sauvage. Les enfants du pays disent qu'il est "weird" (bizarre) mais pas méchant.

Quoiqu'il en soit, ce soir on est à Pukekura lodge, après avoir parcouru 10 km ascendants et franchi deux grosses rivières en crues. Petite aire pour la tente, des chambres cosies et une cuisine salle à manger rustique, au charme indescriptible. Ce hameau est la propriété d'une seule famille. Le bushman Pete, tient un petit restaurant musée et un élevage de deer. De l'autre côté de la route, sa fille, aux yeux vert jade, gère les lodges et élève ses deux enfants en bas âge. Son compagnon chasse et pêche pour nourrir sa famille. Ils vivent en harmonie avec la nature et sont des farouches opposant au 1080. Pete, le trappeur, est le leader du parti "Ban 1080".

Le 1080 est un pesticide fabriqué aux US. La NZ utilise 90 % de sa production pour éradiquer le Possum, animal sauvage ressemblant à un lémurien. Il n'est pas endémique à la NZ. Il vit dans la rain forest. La nuit il vit sur la canopée, le jour, craignant la lumière il vit sous les racines des arbres. 

Il est accusé par le gouvernement de NZ d'être porteur d'une maladie infectieuse pour les bovins (TB bovin). Le gouvernement de NZ a procédé en 2010 à un épandage de 270 tonnes de poison 1080 sur la côte ouest. Cette opération sera renouvelée pendant 3 à 5 ans sur l'ensemble du territoire. Le dernier épandage a eu lieu autour d'Auckland en septembre 2015. Récemment, en février 2016, des traces du 1080 viennent d'être relevées dans l'eau potable d'Auckland.

Les écologistes, les habitants de la côte militent pour mettre fin à cette pratique qui porte atteinte à l'écosystème du Bush, de la forêt primaire. Le 1080 est un poison (monofluoroacetate de sodium). Il est répandu sous sous forme de pastilles par voie aérienne. Il est à action lente. Il lui  faut 36 heures pour mettre fin à la vie d'un animal. Il est mortel pour l'homme à partir de 10 doses. On retrouve régulièrement des panneaux dangers le long des routes, pistes et chemins mettant en garde de la présence de ces pastilles  :  "Warning 1080 poison". Ce poison s'infiltre dans les sols, les rivières, les sources...etc. Il fait des ravages parmi la faune, depuis le Possum, premier visé, jusqu'aux oiseaux sauvages de la côte ouest, sensés être protégés. Cette politique, paradoxalement mise en oeuvre par DOC, est au final une grosse affaire de business. Le business du 1080 et de son épandage, mais également le business agricole. La viande de NZ doit être contrôlée négatif au TB bovin pour être exportée vers les US. On imagine les accords tacites entre la NZ et les US  :  "tu m'achetes mon 1080, je t'achetes ta viande".

Cette réalité, ou plutôt cette absurdité écologique, dictée par le gouvernement de Nouvelle Zélande, contraste avec l'image que vehicule la NZ en dehors de ses frontières, via des campagnes de promotion d'une nature protégée et préservée.


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Commentaires: 4
  • #1

    mamytiane (jeudi, 18 février 2016 18:23)

    Les jours se suivent et ne se ressemblent pas heureusement, mais que de souvenirs impressionnants et enrichissants allez vous emmagasiner !
    E Noho Rã...

  • #2

    The Tournoud's Family (jeudi, 18 février 2016 20:15)

    Oulala , vous avez pris une sacrée rincée ! On espère que vous avez bien recupéré et que vous pouvez de nouveau profiter de votre voyage.
    Bon courage pour la suite de vos aventures.

  • #3

    Bonnaime familie (vendredi, 19 février 2016 00:17)

    Je viens enfin de réussir à trouver votre périple sur votre blog.....génial. bravo toujours aussi aventuriers je tombe sur ta description d'une nuit blanche......et humide. J'ai eu une tablette pour noel c'est donc devant le feu que je vous envoie plein de courage et de félicitations pour la suite de votre voyage à bientôt bises Val

  • #4

    Caby jajy (vendredi, 19 février 2016 13:30)

    Bravo ! Encore une aventure exceptionnelle
    Merci de nous la faire partager avec talent
    Très Bonne suite
    Bises des parisiens plutôt sédentaires
    Jacqueline &Jean yves